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Page:Rolland Clerambault.djvu/201

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Un phénomène bizarre se produisait dans l’esprit de Clerambault. Il était atterré, et, en même temps, affermi. Il souffrait d’avoir parlé, et il sentait qu’il allait de nouveau parler. Il ne s’appartenait plus. Son écrit le tenait, son écrit l’obligeait ; à peine sa pensée était-elle publiée qu’il était lié par elle. L’œuvre jaillie du cœur rejaillit sur le cœur. Elle est née à une heure d’exaltation de l’esprit ; cette heure, elle la prolonge et la reproduit dans l’esprit qui, sans elle, retomberait épuisé. Elle est le jet de lumière qui vient des profondeurs ; elle est le meilleur de soi, et le plus éternel ; elle entraîne le reste de la bête. L’homme, bon gré mal gré, marche, appuyé sur ses œuvres et remorqué par elles ; elles vivent en dehors de lui, elles lui rendent sa vigueur perdue, lui rappellent son devoir, le guident et lui commandent. Clerambault voulait se taire. Et il réitéra.

Il n’en menait pas large. — « Tu trembles, carcasse, car tu sais où je vais te traîner », disait Turenne à son corps, avant la bataille. — La carcasse de Clerambault