Page:Rolland Clerambault.djvu/239

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ayant épousé Mairet, elle l’avait épousé tout entier. Comme beaucoup de femmes et des meilleures, son intelligence était apte à comprendre celui que son cœur avait choisi. Elle s’était faite son élève, pour devenir son associée. Elle participait à ses travaux, à ses recherches de laboratoire. Ils n’avaient point d’enfants et communiaient dans la pensée. L’un et l’autre, libres d’esprit, avec un haut idéal affranchi de toute religion, comme dé toute superstition nationale.

En 1914, Mairet, mobilisé, alla simplement accomplir son devoir, sans aucune illusion dans la cause, que les hasards des temps et des patries lui imposaient de servir. Il envoyait du front des lettres stoïques et lucides. Jamais il n’avait cessé de voir l’ignominie de la guerre ; mais il se croyait obligé au sacrifice, pour obéir au destin qui l’avait incorporé aux erreurs, aux souffrances et aux luttes confuses d’une pauvre espèce animale, évoluant lentement vers une fin ignorée.

Il connaissait Clerambault. Des relations de province entre les deux familles, avant que l’une et l’autre se fussent transplantées à Paris, avaient été la base de rapports amicaux, plus solides qu’intimes — car Mairet ne livrait qu’à sa femme son cœur — et faits surtout d’estime indestructible.

Depuis le commencement de la guerre, chacun étant pris par ses soucis, ils n’avaient pas correspondu. Ceux qui se battaient ne dispersaient pas leurs lettres entre beaucoup d’amis ; ils les concentraient sur un seul être aimé, à qui ils disaient tout. Mairet, plus