Page:Rolland Clerambault.djvu/240

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que jamais, avait fait de sa compagne l’unique dépositaire de ses confidences. Ses lettres étaient un journal, où il pensait tout haut. Dans l’une des dernières, il parlait de Clerambault. Il avait eu connaissance de ses premiers articles, par les journaux nationalistes seuls tolérés au front, qui en citaient des extraits, afin de les insulter. Il disait à sa femme quel soulagement lui avait fait cette parole d’honnête homme, outragé ; et il la priait de faire savoir à Clerambault que sa vieille amitié pour lui en était devenue plus étroite et plus chaude. Peu après, il mourait, avant d’avoir reçu les articles suivants qu’il demandait à Mme  Mairet de lui envoyer.

Lorsqu’il eut disparu, celle qui vivait uniquement pour lui chercha à se rapprocher des êtres qui lui avaient été proches, aux dernières heures de sa vie. Elle écrivit à Clerambault. Lui, qui se dévorait dans sa retraite de province, sans avoir l’énergie de s’y arracher, reçut comme une délivrance l’appel de Mme  Mairet. Il revint à Paris. Ils trouvèrent tous deux une amère douceur à évoquer ensemble la figure de l’absent. Ils prirent l’habitude de se réserver une soirée par semaine pour s’enfermer avec lui. Clerambault était le seul des amis de Mairet, qui pût comprendre la tragédie cachée d’un sacrifice, que ne dorait aucune illusion patriotique.

D’abord, Mme  Mairet goûta un soulagement à lui livrer tout ce qu’elle avait reçu. Elle lui lisait les lettres, les confidences désabusées; ils les méditaient avec émotion, et elles les amenaient à remettre en