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Page:Rolland Clerambault.djvu/243

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ce d’une nation, de dix nations, de l’entière civilisation !…

Clerambault entendait le cri de la foule humaine :

— Vivre ! coûte que coûte ! Nous sauver, à tout prix !

— Mais justement, vous ne vous sauvez pas ! Votre route vous mène à des catastrophes nouvelles, à une somme infinie de souffrances.

— Si affreuses qu’elles soient, elles le sont encore moins que ce que tu nous offres. Mourir avec l’illusion, plutôt que vivre sans illusion ! Vivre sans illusion… non ! c’est la mort vivante.

Celui qui a déchiffré le secret de la vie et qui en a lu le mot, dit la voix harmonieuse d’Amiel, le désenchanté, échappe à la grande Roue de l’existence, il est sorti du monde des vivants… L’illusion évanouie, le néant reprend son règne éternel, la bulle d’air colorée a crevé dans l’espace infini, et la misère de la pensée s’est dissoute dans l’immuable repos du Rien illimité.

Mais ce repos du Rien est la pire torture pour l’homme de race blanche. Plutôt tous les tourments, tous les tourments de la vie ! Ne me les arrache pas ! Meurtrier, qui m’enlève le mensonge déchirant, dont je vis !…

Clerambault, amèrement, s’appliquait le titre que lui avait donné, par dérision, un journal nationaliste : L’un contre tous. — Oui, l’ennemi commun, le destructeur des illusions qui font vivre…