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Page:Rolland Clerambault.djvu/251

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de la nuit dorée et de la chaleur du ventre. Elle accueillit Clerambault par des accents de triomphe :

— Ah ! mon bon oncle ! Que vous êtes gentil ! Venez vite, venez voir ce trésor de mamour !

Elle exultait de faire montre de son chef-d’œuvre, et elle en était reconnaissante aux spectateurs. Jamais Clerambault ne l’avait trouvée aussi tendre et jolie. Il se pencha sur l’enfant, mais il ne le regardait guère, tout en lui faisant les grimaces de politesse et les exclamations admiratives que la mère attendait et happait au vol, comme une hirondelle. C’était elle qu’il voyait, c’était ce visage heureux, ces bons yeux qui riaient, ce bon rire enfantin !… Que c’est beau, le bonheur, et que c’est bienfaisant !… Tout ce qu’il avait à lui dire avait disparu de sa mémoire, — inutile, déplacé. Il n’avait qu’à regarder la merveille et partager complaisamment l’extase de la petite poule pondeuse. Quel délicieux vaniteux innocent petit chant !

Par instants, cependant, sur ses yeux repassait l’ombre de la guerre, des carnages ignobles et sans but, du fils mort, du mari disparu ; et, penché sur l’enfant, avec un sourire triste, il ne pouvait s’empêcher de songer :

— Hélas ! Pourquoi faire des enfants, si c’est pour cette boucherie ? Et que verra-t-il dans vingt ans, le pauvre petit ?

Mais elle ne s’en préoccupait guère ! L’ombre venait mourir au bord de son soleil. De ces soucis proches ou lointains, — tous lointains, — elle ne percevait rien, elle rayonnait…