Page:Rolland Clerambault.djvu/250

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Clerambault, absorbé par ses luttes, n’avait pas vu Aline depuis des mois ; il n’avait donc pu suivre ce changement d’esprit. Si Rosine en avait dit quelques mots devant lui, son attention était ailleurs. Mais il venait d’apprendre, coup sur coup, en vingt-quatre heures, la naissance du petit, et la nouvelle que le mari d’Aline était, comme Maxime, « disparu ». Il avait aussitôt imaginé la peine de la jeune mère. Il la voyait comme il l’avait toujours connue, — entre une joie et une douleur, plus capable de sentir celle-ci que celle-là, s’y livrant tout entière et, jusque dans la joie, s’acharnant à trouver des raisons de douleur, violente, amère, agitée, agressive contre le sort, et en voulant à tous. Il n’était même pas sûr qu’elle ne lui en voulût pas, à lui, personnellement, pour ses idées de réconciliation, quand elle ne devait plus respirer que vengeance. Il savait que son attitude était un scandale pour la famille, et que nul n’était moins disposé à le tolérer qu’Aline. Mais, bien ou mal accueilli, il tenait à lui apporter l’aide de son affection. Et, baissant le dos sous l’averse qui allait choir, il monta l’escalier et sonna à la porte de sa nièce.

Il la trouva sur son lit, étendue, le visage reposé, rajeunie, embellie, attendrie, rayonnante de bonheur, auprès de son petit enfant, qu’elle avait fait déposer à côté d’elle : elle avait l’air d’une radieuse grande sœur du bébé chiffonné ; elle le contemplait avec des rires d’adoration amusée, tandis que, sur le dos, il remuait en l’air ses pattes de hanneton, bouche ouverte, englouti dans la torpeur de l’avant-vie, rêvant encore