Page:Rolland Clerambault.djvu/279

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— C’est bien le plus curieux ! Sitôt que j’étais blessé. Je n’avais pas sorti une jambe de la vie que j’aurais voulu l’y rentrer. Qu’elle y était donc bien ! Et on ne s’en doutait pas ! Imbécile, va ! Crétin !… Tenez, je me vois encore, quand j’ai repris connaissance, sur un champ ravagé, encore plus étripé que les corps qui gisaient, enchevêtrés, tête-bêche, comme un jeu de jonchets ; la terre, qui poissait, elle-même, semblait saigner. Nuit complète. Je ne sentais rien d’abord. Il gelait. J’étais collé… Quel était le morceau qui me manquait, au juste ? Je n’étais pas pressé de faire l’inventaire, je me méfiais de ce qui viendrait, je ne voulais pas bouger. Le sûr, c’est que je vivais. Peut-être plus qu’un moment. Attention à ne pas le perdre !… Et je vis dans le ciel une petite fusée. Ce qu’elle signifiait, je ne m’en occupais plus. Mais la courbe, la tige et la fleur de feu… Je ne peux pas vous dire comme j’ai trouvé ça beau… Je la cueillais de l’œil… Je me suis revu tout enfant, près de la Samaritaine, un soir de feu d’artifice, sur la Seine. Je regardais cet enfant comme si c’était un autre, qui me faisait amusement et pitié. Et ensuite, j’ai pensé que c’était pourtant bon d’être planté dans la vie, et de pousser, et d’avoir quelque chose, quelqu’un, n’importe quoi, à aimer… Tiens, rien que cette fusée !… Et puis, la douleur est venue, je me suis mis à hurler. Et j’ai repiqué la tête au fond du trou… Après, c’était l’ambulance. Il ne faisait plus bon vivre. Le mal était un chien qui vous rongeait les moelles… Autant rester dans le trou !… Et pourtant, même alors, alors surtout,