Page:Rolland Clerambault.djvu/328

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amicales qui escortent notre vie quotidienne, et que nous ne remarquons pas toujours quand elles sont là, mais qui nous laissent un vide quand elles ont disparu. C’est pourquoi sa pensée se reporta aussitôt de la femme qui était devant lui au jeune compagnon qui manquait, à ses côtés. Et il dit, dans un élan d’intuition imprudente : (car, en ces temps de deuil, qui savait ceux qui étaient encore du nombre des vivants ?)

— C’est votre fils qui m’a écrit ?

— Oui, dit-elle. Il vous aime bien. Nous vous aimons depuis longtemps.

— Qu’il vienne !

Une ombre de tristesse enveloppa le visage de la mère.

— Il ne le peut pas.

— Où donc est-il ? Au front ?

— Ici.

Après un instant de silence, Clerambault demanda :

— Il est blessé ?

— Voulez-vous le voir ? dit la mère.

Clerambault l’accompagna. Elle se taisait. Il n’osait la questionner. Il dit :

— Du moins, vous, vous l’avez toujours…

Elle comprit et lui tendit la main :

— Nous sommes bien proches l’un de l’autre.

Il insista :

— Mais pourtant, vous l’avez.

— J’ai son âme, dit-elle.

Ils étaient arrivés à la maison, — une vieille demeure XVIIe siècle, dans une de ces rues étroites et antiques,