Page:Rolland Clerambault.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme accusé sans preuves, maintenu si longtemps sous l’injurieux soupçon, eût droit à la sympathie publique. Mais on lui en voulait, au contraire, bien plus qu’auparavant : on lui en voulait de n’être pas encore condamné. Des racontars absurdes circulaient dans la presse. On prétendait que les experts avaient découvert, à la forme de certaines lettres, à des coquilles relevées dans une plaquette de Clerambault, qu’elle avait été imprimée par des Allemands. Ces niaiseries trouvaient accès dans la crédulité fabuleuse d’hommes qui avaient été intelligents (on l’assurait), avant la guerre… il y avait quatre ans de cela, mais il semblait des siècles…

Bref, les braves gens condamnaient un des leurs, sans plus ample informé ; ce n’était pas la première fois, ce ne serait pas la dernière. L’opinion, bien stylée, s’indignait que Clerambault continuât de circuler en liberté ; et les journaux de la réaction, qui craignaient que la proie ne leur échappât, accusaient la justice, tâchaient de l’intimider, réclamaient que le parquet civil fût dessaisi de l’affaire et qu’elle fût portée devant la juridiction militaire. Très vite, l’excitation monta à un de ces paroxysmes, qui sont, à Paris, généralement brefs, mais effrénés. Car ce peuple sensé délire périodiquement. On peut se demander comment des hommes qui, pour la plupart, ne sont point méchants et seraient naturellement portés à la tolérance mutuelle, voire à l’indifférence, peuvent en arriver à ces explosions de fanatisme colérique, où ils abdiquent à la fois leur cœur et leur bon sens. D’autres