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Page:Rolland Clerambault.djvu/360

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blié, sauf par une poignée de pauvres gueux qui sont bons et bornés. Cette poignée grossit. Pendant une vie d’homme la foi est dans sa fleur. Après, on la dénature, elle est trahie par le succès, les disciples ambitieux : l’Église. Et il y en a pour des siècles… Adveniat regnum tuum… Où est-il, le règne de Dieu ?

— En nous, dit Clerambault. La chaîne de nos épreuves et de nos espérances forme le Christ éternel. Nous devrions être heureux, en pensant au privilège que nous avons reçu d’abriter dans notre coin comme l’enfant dans la crèche, le Dieu nouveau.

— Et qui nous est le gage de sa venue ? demanda le médecin.

— Notre existence, dit Clerambault.

— Nos souffrances, dit Froment.

— Notre foi méconnue, dit le sculpteur.

— Le seul fait que nous sommes, reprit Clerambault. — ce paradoxe jeté à la face de la Nature, qui le nie. Cent fois la flamme se rallume et s’éteint, avant de rester allumée. Chaque Christ, chaque Dieu s’est essayé à l’avance par une série de précurseurs. Ils sont partout, perdus, isolés dans l’espace, isolés dans les siècles. Mais ces solitaires, qui ne se connaissent pas, voient tous à l’horizon le même point lumineux. Le regard du Sauveur. Il vient.

Froment dit :

— Il est venu.


Quand ils se séparèrent, avec une émotion de mutuelle tendresse, et presque sans paroles, afin de ne