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Page:Rolland Clerambault.djvu/373

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Et voici que, d’un coup de reins désespéré, on se rejette hors du flot, et on retombe Sauvé ! sur les cailloux de la rive… Ils me meurtrissent. Tant mieux ! Je m’éveille à l’air libre…

Maintenant, monde menaçant, je suis libre de tes fers, tu ne peux plus m’y remettre. Et vous qui me combattez, ma volonté détestée, ma volonté est en vous. Vous voulez, comme moi, être libres. Vous souffrez de ne point l’être. Et c’est votre souffrance qui vous fait mes ennemis. Mais quand vous me tueriez, la lueur qui est en moi et que vous avez vue, il ne dépend plus de vous de ne plus l’avoir vue, ni, l’ayant vue une fois, de renoncer à l’avoir. Frappez donc ! En luttant contre moi, vous luttez contre vous : d’avance, vous êtes vaincus. Et moi, en me défendant, c’est vous que je défends. L’Un contre tous est l’Un pour tous. Et il sera bientôt l’Un avec tous

Je ne resterai pas seul. Je ne l’ai jamais été. À vous, frères du monde ! Si loin que vous soyez, répandus sur la terre comme une volée de grain, vous êtes tous ici, à mes côtés : je le sais. Car jamais la pensée de l’homme solitaire n’est, comme lui, isolée. L’idée qui surgit en l’un germe déjà en d’autres ; et quand un malheureux, méconnu, outragé, la sent lever dans son cœur, qu’il ait joie ! C’est que la terre se réveille… La première étincelle qui brille en une âme seule est la pointe du rayon qui va percer la nuit. Viens donc, lumière ! Brûle la nuit qui m’entoure et celle qui me remplit !… « Clerambault » !