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Page:Rolland Clerambault.djvu/372

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d’or a grandi. L’homme, de toutes les bêtes, la bête la plus désarmée, marcha contre la Nature et lui livra combat. Et chacun de ses pas fut payé de son sang. Dans ce duel gigantesque, il a eu à poursuivre, non seulement hors de lui, mais en lui, la Nature, puisqu’il y participe. C’est la plus dure bataille, celle que l’homme, divisé, livre contre lui-même. Qui vaincra ? D’un côté, la Nature sur son chariot d’airain, qui emporte les mondes, les peuples, dans l’abîme. De l’autre, le Verbe libre. Esclaves, riez de lui ! « Ridicule ! » disent-ils, ces dévots de la Force. « Un roquet qui jappe sous les roues d’un rapide ! » — Oui, si l’homme n’était qu’un morceau de matière, qui saigne et crie en vain, sous le marteau-pilon de la Fatalité ! Mais l’Esprit est en lui, — l’éclair qui sait frapper Achille droit au talon et Goliath au front. Qu’il arrache un écrou, et le rapide culbute, et sa course est brisée !… Tourbillons planétaires, obscures masses humaines, roulez à travers les siècles, sillonnées des éclairs de l’Esprit libérateur : Bouddhâ, Jésus, les Sages, et les Briseurs de chaînes L’éclair vient, je le sens qui crépite dans mes os, comme sous le fer des chevaux le feu dans le silex. L’air tremble, les grandes ondes courent… Le frisson précurseur Les nuées étouffantes de la haine se resserrent, elles se choquent Ô feu ! tu vas jaillir ! Vous qui êtes seuls contre tous, de quoi gémissez-vous ? Vous avez échappé au joug qui vous écrasait. Comme en un cauchemar où l’on est englouti, on se débat, on s’arrache aux eaux noires du rêve, on surnage, on replonge, on suffoque