Page:Rolland Clerambault.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous ne le réussirons pas, pour nous et pour les nôtres. C’est possible. C’est probable. Notre malheureuse nation, peut-être notre Occident, est sur une pente funeste ; j’ai peur qu’il ne s’achemine très vite à son déclin, par le fait de ses vices et de vertus qui ne sont pas beaucoup moins meurtrières, de son orgueil et de ses haines, de ses jalouses rancunes de grand village, de l’écheveau sans fin de ses revanches, de son aveuglement obstiné, de sa fidélité accablante au passé, de sa conception surannée de l’honneur et du devoir, qui conduit à sacrifier l’avenir aux tombeaux. Je crains bien que le suprême avertissement de cette guerre n’ait rien appris à son héroïsme tumultueux et paresseux… En d’autres temps, j’aurais été accablé par cette pensée. Maintenant, je me sens détaché, comme de mon propre corps, de ce qui doit mourir ; je n’ai plus avec lui d’autre lien que la pitié. Mais mon esprit est frère de ce qui, sur quelque point du globe, reçoit le feu nouveau. Connaissez-vous les belles paroles du Voyant de Saint-Jean-d’Acre ?

« Le Soleil de Vérité est comme l’astre des cieux, qui a des orients nombreux. Un jour, il se lève au signe du Cancer, un autre au signe de la Balance. Mais le soleil est un soleil unique. Une fois, le Soleil de Vérité lança ses feux du zodiaque d’Abraham, puis il se coucha au signe de Moïse et embrasa l’horizon ; ensuite, il se leva au signe du Christ, brûlant et resplendissant. Ceux qui étaient attachés à Abraham, le jour où la lumière brilla sur le Sinaï, ceux-là devinrent aveugles. Mais mes yeux seront