Page:Rolland Clerambault.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de leur mort, comme de la nuit ; pour eux, la guerre était finie, la vie était finie. Mais chez d’autres, persistait étrangement l’exaltation du début : Clerambault vit une mère, que son patriotisme et son deuil enfiévraient au point de se réjouir presque de la mort de son fils. Elle disait, avec une joie violente et concentrée :

— J’ai tout donné ! j’ai tout donné !…

Telle, dans l’obsession de la dernière seconde, avant de disparaître, celle qui se noie par amour avec son bien-aimé. — Mais Clerambault, plus faible, ou s’éveillant du vertige, pensait :

— Moi aussi, j’ai tout donné, — même ce qui ne m’appartenait point.

Il s’adressa à l’autorité militaire. On ne savait rien encore. Une huitaine après, vint la nouvelle que le sergent Clerambault Maxime était classé comme « disparu », depuis la nuit du 27 au 28 du mois passé. Aux bureaux de Paris, Clerambault ne put obtenir aucun détail de plus. Il partit pour Genève, visita la Croix-Rouge, l’Agence des Prisonniers, n’apprit rien, se lança sur des pistes, obtint la permission d’interroger dans des hôpitaux ou des dépôts de l’arrière des camarades de son fils, qui donnaient des renseignements contradictoires — (l’un le disait prisonnier, l’autre l’avait vu mort, puis tous deux, le lendemain, convenaient qu’ils s’étaient trompés… Ô tortures ! Dieu bourreau !…) — revint après dix jours de ce chemin de croix, vieilli, cassé, épuisé.

Il retrouva sa femme dans un paroxysme de douleur