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Page:Rolland Clerambault.djvu/97

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famille ? Elle est ici et là, chez l’ennemi comme chez moi, et ne veut que la paix. Les pauvres, les travailleurs, les peuples ? Ils sont des deux côtés, également misérables, également exploités. Les hommes de pensée ? Ils ont un champ commun ; et quant à leurs vanités et leurs rivalités, elles sont aussi ridicules au Levant qu’au Couchant ; le monde ne se bat point pour les querelles de Vadius et de Trissotin. L’État ? L’État n’est pas la Patrie. Seuls, créent la confusion ceux qui y ont profit. L’État est notre force, dont usent et dont abusent quelques hommes comme nous, qui ne valent pas mieux que nous, et qui souvent valent pis, dont nous ne sommes pas dupes, qu’en temps de paix nous jugeons librement. Mais que vienne la guerre, on leur laisse carte blanche, ils peuvent faire appel aux plus vils instincts, étouffer tout contrôle, tuer toute liberté, tuer toute vérité, tuer toute humanité ; ils sont maîtres, il faut serrer les rangs pour défendre l’honneur et les erreurs de ces Mascarilles vêtus des habits du maître ! Nous sommes solidaires, dit-on ? Terrible filet des mots ! Solidaires, sans doute, nous le sommes des pires et des meilleurs de nos peuples. C’est un fait, nous le savons bien. Mais que ce soit un devoir qui nous lie, jusqu’à leurs injustices et leurs insanités, — je le nie !

Il ne s’agit point de médire de la solidarité. Personne (pense Clerambault) n’en a plus passionnément que moi savouré la jouissance et célébré la grandeur. Il est bon, il est sain, il est reposant et fort de plonger l’égoïsme solitaire, nu, raidi et glacé, dans le bain de