Aller au contenu

Page:Rolland Clerambault.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

confiance et d’offrande fraternelle qu’est l’âme collective. On se détend, on se donne, on respire. L’homme a besoin des autres, et il se doit aux autres. Mais il ne se doit pas tout entier. Car que lui resterait-il, pour Dieu ? Il doit donner aux autres. Mais pour qu’il donne, il faut qu’il ait, il faut qu’il soit. Or, comment serait-il, s’il se fond avec les autres ? Il y a bien des devoirs ; mais le premier de tous, est d’être et de rester soi, jusque dans le sacrifice et le don de soi. Le bain dans l’âme de tous ne saurait devenir sans danger un état permanent. Qu’on s’y trempe, par hygiène ! Mais qu’on en sorte, sous peine d’y laisser toute rigueur morale ! À notre époque, on est, dès l’enfance, plongé, bon gré, mal gré, dans la cuve démocratique. La société pense pour vous, sa morale veut pour vous, son État agit pour vous, sa mode et son opinion vous volent jusqu’à l’air qu’on respire, vous reniez votre souffle, votre cœur, votre lumière. Tu sers ce que tu méprises, tu mens dans tous tes gestes, tes paroles, tes pensées, tu abdiques, tu n’es plus Le beau profit pour tous, si tous ont abdiqué ! Au bénéfice de qui ? de quoi ? D’instincts aveugles, ou de fripons ? Est-ce un Dieu qui commande, ou quelques charlatans qui font parler l’oracle ? Levez le voile ! Ce qui se cache derrière, regardez-le en face !… La Patrie !… Le grand mot ! Le beau mot ! Le père, les bras enlacés des frères ! Mais ce n’est pas ce que vous m’offrez, votre fausse patrie, un enclos, une fosse aux bêtes, des tranchées, des barrières, des barreaux de prison !… Mes frères ! Où sont mes frères ? Où sont ceux qui peinent dans l’univers ?