Page:Rolland Handel.djvu/33

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une minorité, où la foi avait pris un caractère agressif, comme il arrive quand elle se sent la moins forte. Il s’était formé deux factions dans le public de Hambourg : l’une, la plus nombreuse, que la religion ennuyait, et qui voulait s’amuser au théâtre ; l’autre, qui était religieuse, et qui ne voulait pas de l’opéra, sous prétexte qu’il était une œuvre de Satan, « opera diabolica »[1]. La lutte fut acharnée entre les deux factions. Entre les deux, l’opéra religieux devait être fatalement écrasé. Il le fut. La dernière représentation eut lieu en 1692. Lorsque Hændel arriva, c’était bien l’opera diabolica qui régnait, avec ses extravagances et sa vie licencieuse.

J’ai raconté ailleurs[2] cette période du théâtre de Hambourg, dont l’âge d’or fut justement de 1692 à 1703. Il y avait à Hambourg beaucoup de conditions réunies pour faire un bon théâtre d’opéra : de l’argent, et des Mécènes disposés à le dépenser, une excellente troupe instrumentale, bien que peu nombreuse, un art de la mise en scène assez avancé, un luxe de décors et de machines, des poètes renommés, des musiciens de grande valeur, et — le plus rare — des poètes

  1. Theatromachia, ou die Werke der Finsterniss (la Puissance des Ténèbres), de Anton Reiser, 1682.
  2. Histoire de l’Opéra avant Lully et Scarlatti, 1895, p. 217-222.