Page:Rolland Handel.djvu/51

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volture avec laquelle son protégé s’était passé de ses conseils, critiqua la musique, sans aménité, mais non sans justesse[1]. Malgré l’émotion concentrée de certaines pages et les chœurs dramatiques, l’œuvre était encore incertaine, et manquait de goût souvent.

À partir de ce moment, ce fut fini de la bonne harmonie qui régnait entre Hændel et Mattheson. Hændel avait conscience de son génie, et ne supportait plus le ton protecteur de Mattheson. D’autres incidents aggravèrent la mésintelligence, qui aboutit à une querelle, dont l’issue faillit être fatale[2]. À la suite d’une altercation à

    (Jésus sanglant et mourant), qui fit scandale : car ils avaient traité le sujet à la façon d’un opéra, supprimant les chorals, les chants religieux, le personnage de l’Évangéliste et son récit. Hændel et Postel, plus prudents, ne supprimèrent que les cantiques, mais conservèrent le texte de l’Évangéliste.

  1. Cette critique, certainement écrite en 1704, fut reprise par Mattheson, dans son journal musical Critica Musica, en 1725, et encore vingt ans plus tard, dans son Vollkommener Capellmeister, en 1740.
  2. Les deux jeunes gens étaient chargés de l’éducation du fils de l’ambassadeur d’Angleterre, Mattheson en qualité de gouverneur (Hofmeister), Hændel de maître de musique. Mattheson profita de l’avantage de la situation pour infliger à Hændel une semonce humiliante. Hændel se vengea, en le rendant ridicule. On donnait la Cleopatra de Mattheson à l’Opéra. Mattheson dirigeait l’orchestre, au clavecin, et tenait le rôle d’Antoine. Pendant qu’il jouait son personnage, il laissait le clavecin à Hændel ; mais, comme Antoine mourait, une demi-heure avant la fin du spectacle, Mattheson se dépêchait de revenir au clavecin, en costume de théâtre, pour ne rien perdre des ovations finales. Hændel, qui s’était prêté à cette