Page:Rolland Le Théâtre du peuple.djvu/116

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le théâtre nouveau

agréments, petites notes, trilles, batteries, pizzicato, arpeggio, que le musicien compositeur peut rendre la vérité des détails moraux qui constituent une action non exagérée ; et tous ces petits moyens, si précieux dans un cadre ordinaire, sont nuls dans une grande salle. — Pouvons-nous avoir de grandes salles pour nos tragédies en musique ? Oui ; mais voici ce qu’il faut observer : 1o que le poète ne traite que des sujets historiques déjà connus ; alors la plus courte exposition suffira ; 2o qu’il ne présente que des masses, de grands tableaux ornés de pompe, marches, sacrifices, combats, danses, pantomimes, toujours rapides lorsque ces objets ne sont qu’accessoires de l’action principale ; 3o que tous les morceaux de poésie destinés au chant mesuré soient simples, et ne renferment qu’un sentiment… De là naîtra l’énergie, la rapidité, la variété que demande un tel spectacle. Le musicien ne travaillera qu’en grosses notes sur un poème ainsi préparé ; son harmonie, sa mélodie seront larges ; tous les détails des genres finis seront exclus de son orchestre. Peu de basses travaillées, à moins que ce ne soit avec de grosses notes ; point de roulades dans le chant ; presque toujours note et parole, c’est-à-dire un chant syllabique. Ici tout doit être volumineux ; c’est un tableau fait pour être vu à une grande distance ; c’est alors qu’il faut en quelque sorte peindre avec un balai. Les paroles destinées au chant ne renfermant qu’un sentiment, le musicien n’ayant qu’une unité à conserver dans chaque morceau, et n’étant point astreint d’en créer une avec plusieurs affections, prendra souvent un mètre ou un rythme, qu’il conservera sans interruption dans chaque morceau de musique. Gluck l’a senti, et n’a été vrai-

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