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le théâtre nouveau

On peut seulement exprimer le souhait que notre poésie s’intéresse avec plus de sérieux à la tragédie de la vie quotidienne, qu’elle tâche d’en dégager l’élément éternel, le mystère, et la poésie intérieure. Le plus grand de nos dramaturges français, — un romancier. — Balzac, en a donné l’exemple. La vie présente est grosse, non seulement de poésie tragique, mais de puissances fantastiques, comme les antiques légendes. « Il suffit, comme le dit Gabriele d’Aununzio, de regarder passer le tourbillon confus des choses vivantes avec cet esprit fantastique dont parle Vinci, quand il conseille à ses disciples d’observer les crevasses des murs, les cendres du foyer, les nuages, la boue, ou d’écouter le son des cloches, pour y trouver des invenzioni mirabilissime et d’infinite cose. »[1] — Mais la vie est à tous, et peu savent en user. Il ne s’agit que de savoir la prendre. Les conseils ne servent ici de rien.

  1. « Et quand tu regardes un mur sillonné de crevasses, tu peux y découvrir l’image de paysages, de montagnes, de fleuves, de rochers, d’arbres, de larges vallées ; ou tu peux encore y voir des batailles, des figures en action, des visages et des costumes étranges. Et toutes ces choses apparaissent sur ces murs, comme dans le son d’une cloche tu crois entendre le nom ou le mot que tu imagines. » — Léonard, manuscrit Ashburnam.