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TEXTES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

où le génie se dissipe en quelques étincelles fugitives, parmi une nuit de fumée ; que ces fruits précoces et hâtifs, symptômes du besoin beaucoup plus que des talents, dont le mérite se calcule d’après la recette, avilissent l’œuvre et l’ouvrier.

C’est avec peine que la Commission se voit forcée de marquer ses premiers pas dans le sentier du goût et du vrai beau par des leçons sévères ; mais, idolâtre des arts, dont la régénération lui est confiée, elle saura distinguer le mérite, rechercher le talent, encourager ses efforts, applaudir à ses succès ; elle est comptable aux lettres, à la nation, à elle-même, du poète dont elle n’aura pas monté la lyre ; de l’historien à qui elle n’aura pas donné un burin, des crayons ; du génie dont elle n’aura pas fécondé, dirige les élans.

Que le jeune auteur ose donc mesurer d’un pas hardi toute l’étendue de la carrière ; que la généreuse ambition d’être utile présente toujours à sa pensée les sujets sous leur rapport moral et républicain ; qu’il fuie partout la pensée facile et battue de la médiocrité.

L’écrivain qui n’offre, au lieu de leçons, que des redites ; au lieu d’intérêt, que des pantomimes ; au lieu de tableaux, que des caricatures, est inutile aux lettres, aux mœurs, à l’État, et Platon l’eut chassé de sa République.

D’après ces réflexions, la Commission d’instruction publique, considérant que les pièces consacrées à retracer la fête de l’Être Suprême n’offrent, quels que soient les talents des auteurs, que des cadres étroits, au lieu d’un immense tableau ;

qu’elles sont au-dessous de la nature et de la vérité ;

qu’elles tendent à contrarier l’effet, à détruire l’intérêt des fêtes nationales, en rompant leur unité par une copie sans art, par une image sans vie, en substituant des groupes à la masse du peuple, en insultant à sa majesté ;

qu’elles nuisent aux progrès de l’art, étouffent le talent, corrompent le goût sans instruire la nation ; — arrête :

Que la fête à l’Être Suprême ne pourra être représentée sur aucun théâtre de la République ;

que le présent sera adressé aux municipalités, pour sus-

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