Page:Rolland Le Théâtre du peuple.djvu/182

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L’aurore annonce à peine le jour, et déjà les sons d’une musique guerrière retentissent de toutes parts, et font succéder au calme du sommeil un réveil enchanteur. À l’aspect de l’astre bienfaisant qui vivifie et colore la nature, amis, frères, enfants, vieillards et mères s’embrassent et s’empressent à l’envi d’orner et de célébrer la fête de la Divinité… La chaste épouse tresse de fleurs la chevelure flottante de sa fille chérie, tandis que l’enfant à la mamelle presse le sein de sa mère dont il est la plus belle parure ; le fils aux bras vigoureux se saisit de ses armes, il ne veut recevoir de baudrier que des mains de son père ; le vieillard souriant de plaisir, les yeux mouillés des larmes de la joie, sent rajeunir son âme et son courage en présentant l’épée aux défenseurs de la liberté. — Cependant l’airain tonne ; à l’instant les habitations sont désertes, elles restent sous la sauvegarde des lois et des vertus républicaines : le peuple remplit les rues… Les groupes divers, parés des fleurs du printemps, sont un parterre animé dont les parfums disposent les âmes à cette scène touchante. — Les tambours roulent ; tout prend une forme nouvelle. Les adolescents armés de fusils forment un bataillon carré autour du drapeau de leurs sections respectives. Les mères quittent leurs fils et leurs époux ; elles portent à leur main des bouquets de roses ; leurs filles, qui ne doivent jamais les abandonner que pour passer dans les bras de leurs époux, les accompagnent et portent des corbeilles remplies de fleurs. Les pères conduisent leurs fils, armés d’une épée ; l’un et l’autre tiennent à la main une branche de chêne. Tout est prêt pour le départ…


[Après ce préambule grotesque, qui n’a d’autre objet que d’étaler la rhétorique, la poésie et les vertus de David, le peintre expose son plan sur le même ton oratoire :]


En premier lieu, s’élèvera au Jardin national, un amphithéâtre destiné aux membres de la Convention. Au bas, un monument, « où le monstre désolant de l’Athéisme est soutenu par l’Ambition, l’Égoïsme, la Discorde, et la fausse Simplicité, qui, à travers les haillons de la misère, laisse

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