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II

LA TRAGÉDIE CLASSIQUE


La comédie de Molière peut, à la rigueur, pourvoir aux premiers besoins d’un théâtre populaire ; elle ne peut lui suffire. D’une façon générale, ce n’est pas assez de la comédie. Le rire est une force ; la satire intelligente des vices satisfait la raison. Mais on ne saurait y trouver de ressort assez énergique pour l’action. La comédie classique, entre toutes, s’impose d’étroites limites ; son domaine est celui du bon sens ; elle y règne en maîtresse, mais elle n’en sort guère. Il n’est rien d’aussi précieux que le bon sens ; et ce n’est pas en un temps qui en semble si dépourvu, qu’il faudrait dire le contraire ; le bon sens peut mener à tout, même à l’héroïsme : — on l’a vu. — Mais un peuple est femme ; il ne se conduit pas seulement par sa raison : davantage par ses instincts et ses passions ; il les faut nourrir et diriger. Les émotions du grand art tragique peuvent avoir sur lui une prise puissante dont les effets sont inappréciables. Avons-nous en France un répertoire dramatique ou tragique qui puisse lui servir d’aliment ? Existe-t-il un théâtre qui exalte les puissances héroïques de l’âme, la vigueur de ses passions et de sa volonté ?

Le premier qui s’offre à l’examen est notre tragédie classique du dix-septième siècle.

On a fait grand bruit du succès récent d’Andromaque à Ba-ta-clan. C’est de là que M. Bernheim et ses amis sont partis pour affirmer que la tragédie clas-

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