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le théâtre du passé

pées : Brunnhilde, Siegmund, Siegfried. Il a, du premier coup, donné le modèle du théâtre populaire dans son éblouissante fresque des Maîtres Chanteurs, débordante de force, d’humour, de couleur et de mouvement. Un peuple y grouille avec une joie tumultueuse ; et le rayonnement de ces innombrables âmes semble se concentrer dans la bonhomie héroïque du vieux Hans Sachs, conscience profonde et sereine du peuple. Malheureusement, la cause du théâtre de Wagner est indissolublement liée à celle de la musique, et nous avons évité jusqu’à présent de l’introduire dans nos recherches pour constituer un répertoire populaire français ; car elle les complique singulièrement, et, je crois, sans profit pour l’instant. L’éducation musicale du peuple commence à peine en France ; il faudra des années encore, avant qu’elle soit suffisante ; et d’ici là, il est inutile de penser au drame lyrique wagnérien, — en admettant que cette forme d’art allemand ait quelques chances de s’acclimater tout à fait chez nous. En tout cas, s’il nous faut de la musique, donnons d’abord au peuple les méditations viriles et les bienfaisantes douleurs du plus héroïque des hommes. Que Beethoven passe avant Wagner.[1] — Le théâtre de Wagner est empoisonné, malgré sa grandeur, de rêves malsains qui sentent le milieu où il est né, l’aristocratie d’art décadente, arrivée à la fin de son évolution, et presque de sa vie. Quel profit le peuple pourrait-il tirer des complications maladives de cette sensibilité, de la métaphysique du Walhalla, du Désir de Tristan

  1. À plus forte raison, avant Meyerbeer et Adolphe Adam, chers aux Trente ans de Théâtre de M. Bernheim.
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