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DÉVELOPPEMENT DE l/OPÉRA ARISTOCRATIQUE EN ITALIE. 141

C'est le combat journalier de l'Ame, symbolisé par les deux castels ennemis de l'Innocence et de la Coulpe, qui se dressent sur les bords de la route où passe la Vie humaine, soutenue par l'En- tendement. Rien ne semble plus froid. Le résumé de deux scènes laissera peut-être entrevoir ce que le genre a de noblesse, et ce qu'il offre de ressources à un analyste du dix-septième siècle.

La Vie est pour la première fois en présence de l'Innocence et de la Faute (1). L'Innocence commence à parler. Mais la Vie est déjà curieuse de l'autre belle dame, qui n'a pas encore ouvert la bouche : « Je t'écouterai après; j'ai un curieux désir de regarder cette autre. » — La Faute s'approche doucement, lui parle de sa jeune beauté, de ses gracieux regards. La Vie la considère : « Si je ne me trompe, il me semble que je t'ai vue ailleurs. » — « Il est vrai, » répond-elle; « il me fut quelque- fois accordé de demeurer auprès de toi, bien que souvent je me cache à tes yeux; et dès le jour serein, où tu naquis pour faire plus beau le monde, c'est moi qui te recueillis dans mon sein. » L'Innocence l'épouvante en lui révélant le nom de son amie. Vertu et Vice s'injurient. (« Comment cette langue coupable ose-t-elle abuser en pleine rue une damoiselle? ») — La Vie s'effraie, veut effacer la tache du péché.

Innocence : « Seule efface et purifie les taches de la faute , la vertu d'une eau que je te dirai plus tard. »

Vie : « Ah ! dis-la-moi, je t'en supplie. »

Innocence : « L'onde pure de tes yeux. »

La Vie se déclare aussitôt prête à la verser, et déjà la Faute s'éloigne. Mais la Vie se reprend, veut jouer avec la tentation :

« Mon cœur vaillant fait refus de pleurer. C'est assez pour au- jourd'hui de connaître ce pouvoir merveilleux. » — Et la Faute revient. Les gémissements de la Vertu fatiguent la jeune âme. Elle veut pécher, pour montrer qu'elle est libre.

Vie : « J'ai décidé delà suivre. Ne suis-je pas libre? » — « Si, » répond l'Innocence en pleurant; et la Faute l'entraîne, ne lui de- mandant, en échange de ses dons, que sou cœur.

��du comte Galeazzo Gualdo Priorato : Historia délia Sacra Real Maeslà di Cristina Alessandra, regina di Svezia. Rome, Stamp. délia Cam. apostol., 1656. — Bonaventura Argenti jouait la Vita huinana; Domonico Rodamonti, l'Innocenza; Domenico del Pane, la Colpa; Lodovico Lenzi, l'Intendimento; Francesco do Rossi, le Piacere; Giovanni Sorilli, le Prologo (Aurora). — Christine entendit trois fois la Vila humana. (1) Acte I, scène 4.

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