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LES ESSAIS D'OPÉRA POPULAIRE EN ITALIE. 169

teverde et de Cavalli , il a des scènes véritablement shakespea- riennes, et si le drame est parfois languissant , il y supplée par la vérité des passions et la force des pensées. Ses monologues et ses scènes d'amour sont surtout remarquables. Métastase fera son profit de sa Didon, et la reprendra en la soumettant aux unités.

Mais après. lui, le mauvais goût, et le « capriccio bizarro » des Vénitiens (dit Aureli lui-même) (1), l'emportent, et dès 1660, Buse- nello combat en vain dans ses prologues le goût du burlesque et du baroque, et montre aux Italiens le modèle un peu rude, mais puissant, du théâtre espagnol. Le goût public entraîne l'opéra de Venise vers la bouffonnerie sans portée, et la mise en scène vide de sens.

Les traits caractéristiques de cet art , si on le compare à celui de Florence, sont en musique la disparition du chœur et le dé- veloppement de l'élément comique.

Ferrari a encore des chœurs madrigalesques, entremêlés de soli, dans le genre de Gagliano. Les chœurs paraissent aussi dans les premiers opéras de Cavalli (2), et dans ceux qu'il écrit pour Paris (3). A ces exceptions près, on peut dire qu'à partir de 1650, le chœur ne paraît plus que dans de courtes phrases, des cris ou des appels : « AU' armi ! » etc., le plus souvent confiés aux figu- rants, ou même aux acteurs principaux. Le chœur philosophique et moral des Florentins était trop sérieux pour la légèreté véni- tienne. Le goût de l'époque se détachait même du chœur drama- tique. On était las de la forme madrigalesque, et le solo semblait d'un art bien supérieur. Pietro délia Valle l'écrit dès la première moitié du siècle. En 1662, Bontempi relègue le chœur dans l'ora- torio (4). L'économie était une des raisons les plus sérieuses en faveur de cette opinion. Maintenant que les dépenses du théâtre ne regardaient plus le trésorier du duc de Florence, ou la caisse du prince de Mantoue, mais une compagnie de comédiens, ou un entrepreneur, où trouver l'argent pour payer les cinquante -sept voix du Rapimento di Cefalo? 'Il était bien plus avantageux de rem- placer cette foule par quelque bonne allégorie, Destino, ou For- tuna. On exploita habilement le goût du peuple pour le solo; il ne s'agit plus que d'en introduire dans la pièce sans rapport avec

Cesare, mus. de Cavalli, Teatr. Novissimo , 1646. — La Statira, mus. de Cavalli, S. Giov. et Paolo, 1655.

(1) Prologue du Perseo dédié à Mazarin, et des Amori d'Apollo (1663).

(2) Nozze di Teti, 1639. Didon, 1641. Virtu degli strali, 1642.

(3) Ercole, 1662. Scipione, 1664.

(4) Prologue du Paride.

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