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LES ESSAIS D'OPÉRA POPULAIRE EN ITALIE. 173

de larges esquisses symphoniques, s'efforce de rendre la vie des choses ; l'imitation pittoresque reprend ses droits. « Comment « les vents pourraient-ils chanter ? » demandait Monteverde. Gavalli peint Borée (1), et fait passer dans son chant les tour- billons de la tempête.

L'aria s'assouplit sous sa main et prend une grande liberté d'allure. La mélodie est courte et vive; le récitatif se mêle au chant; parfois il s'interrompt pour faire place à deux lignes de mélodie, puis il reprend. Gavalli manie et fond toutes les formes d'airs avec une habileté consommée (depuis l'air strophique avec variations à la mode florentine, jusqu'aux arie à trois parties, et aux soli , mêlés d'adagio et d'allegro , dans la forme des cantates de Garissimi). Scheibe dit, en 1745, que personne n'a encore surpassé ses qualités dramatiques.

Gavalli fonde enfin le style bouffe à Venise, cherchant le comique, non dans la finesse railleuse et l'observation ironique, mais dans l'exagération burlesque du sentiment, selon les traditions de la commedia dell 'arte (2).

Quant à l'harmonie, elle est en général assez pauvre, ou plutôt elle s'abandonne, quand la force des situations ne réveille pas le génie de l'auteur. On y sent quelquefois l'influence de Monte- verde (3). Le vieux maître a surtout laissé sa trace dans l'instru- mentation de son élève, qui est plus riche et plus expressive que celle de la plupart des autres Vénitiens.

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Le grand art vénitien s'éteignit presque en même temps que Gavalli (4), et malgré la suite ininterrompue de talents gracieux

(1) Eritrea, 1652.

(2) Doriclea, 1645, le Miles gloriosus; — Calisto, 1651, Jupiter, qui est une basse, déguise sa voix en soprano, pour ne pas être reconnu ; — Ercole, 1662; — Scipione, 1664; — Ciro, 1665, le bègue.

(3) On la sent aussi parfois dans la construction de la mélodie. C'est ainsi que le souvenir du fameux lamento (d'Ariane) est évoqué tour à tour dans Didon (1641), Jason (1649)..., etc.

(4) L'ouvrage le plus connu de Gavalli est le Jason de 1649. C'est là que se trouve lo famoux air de Médée, d'une passion sauvage, si souvent re- produit (Gevaert, Gloires de l'Italie), et un air de Jason, où se hourtent avec un grand art des sentiments contraires. — Lo meilleur est peut-être VErcule, joué à Paris en 1662. Il eut peu de succès, bien que Cavalli oût tenté de l'accommoder au goût français, par le luxe des chœurs, des cor- tèges et des symphonies. M. Krotzchrnar distingue ses œuvros en opéras

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