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220 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

Ismène, qui fut jouée à WolfenMttel avec un prodigieux succès. En 1694, il vint à Hambourg, et en devint le fournisseur de mu- sique. Les autres compositeurs dramatiques en Allemagne étaient en même temps des musiciens religieux. Pour Keiser, l'opéra passe avant tout le reste. Jusqu'en 1717, il écrit en moyenne trois, quatre, parfois cinq opéras par an. En 1703, il devient directeur de l'opéra; en 1707, il fait banqueroute, et disparaît quelque temps de Hambourg; mais il rentre bientôt, et huit nouveaux opéras lui font retrouver son ancienne fortune.

La Publikation altérer, praktischer, und theoretischer Musihwerhe, de Robert Eitner, a publié en 1892 son Lâcher liche prinz Jodelet, 1726. Lindner a donné aussi des fragments de plusieurs de ses drames, en appendice à son ouvrage : Die erste stehende deulsche Oper (1855, Berlin) (1), et à ses Zur Tonkunst Abhandlungen (2) (Berlin, Guttentag, 1864). Ces œuvres sont d'une belle forme, aisée et dégagée du pédantisme allemand. La mélodie est un peu clairette, et la facilité du style a été acquise aux dépens de la pen- sée. On n'est point surpris qu'en France ou en Italie, on puisse préférer sa verve abondante et son habileté sans profondeur, à la rudesse pleine de choses de ses prédécesseurs. On est davantage étonné que les Allemands fassent aussi bon marché de la gauche grandeur de leurs vieux maîtres du dix-septième siècle. — Keiser joue à peu près le même rôle en Allemagne, que Scarlatti en Italie. Nous les retrouverons tous deux dans une prochaine étude, si, comme nous l'espérons, nous pouvons un jour continuer ces recherches si incomplètes encore.

Mais au lieu que Scarlatti apporte la perfection de son style à un peuple amolli, qui s'abandonne à sa décadence, Keiser paraît dans une race neuve, rude, qui revit plus alerte après ses désas- tres, comme les coups de hache font repousser plus drus les arbres d'une forêt. La facilité un peu vide de Keiser, sera le vêtement dont le puissant Haendel drapera ses pensées (3). La verve super-

��(1) Macht der Tugend, 1700; Pomona, 1702: Orpheus, 1709; Diana, 1713; Circe, 1734. Mattheson attribue 116 opéras à Keiser. On en connaît encore 77, de titre.

(2) Fragment de l'Oratorio : Der siegende David. — Plusieurs de ses ma- nuscrits sont dans les bibliothèques d'Allemagne. Par exemple, le Crœsus et onze autres à Berlin.

(3) Bach entendit sans doute les concerts de Keyser, lorsqu'il fit ses voya- ges à Hambourg (1722), pour entendre Reinken et jouer de l'orgue. Il y au- rait lieu de chercher l'influence de la Passion de Keyser (L'agonie et la mort de Jésus) sur celles de J. Sébastien.

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