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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/267

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l'opéra en frange. 253

écrits dans le même rythme (1); nulle saveur d'harmonies; l'en- semble est véritablement fade, et d'une monochromie de senti- ments et d'expression, que son admirateur Ambros a tort do reprocher à l'opéra français (2).

L'orgueil de l'Italien fut sans doute blessé ; il se remit à l'œu- vre, et tenta une seconde fois la fortune. Il ne fut pas plus heu- reux. Son Ercole amante (3) n'eut pas le succès auquel il avait droit. Gavalli y avait pourtant mis tout son génie, et la partition est une des plus riches qu'il ait écrites. Il y montre une certaine attention à ménager le goût français , et les différences de cette œuvre et des autres productions de Gavalli nous font mieux com- prendre l'originalité propre à l'opéra français. Gavalli revient aux chœurs, qu'il avait abandonnés depuis 1642; il ajoute de petites symphonies avant les actes; il fait une large place aux cortèges et aux ballets. Le récitatif a échangé sa liberté hardie pour je ne sais quel faste emphatique et mesuré. Les rythmes de la danse s'introduisent dans les chants (4); les ouvertures instrumentales sont écrites dans le style fier, un peu sec et saccadé des Français. Gavalli n'abdique pourtant pas sa personnalité tout entière ; elle se montre dans quelques scènes qui sont des modèles dramati- ques, dans des chœurs funèbres d'un beau style religieux, et sur- tout dans le quartetto final (sur la mort d'Hercule), qui est une de ses meilleures pages.

Malgré tant de talent et d'habileté politique , Gavalli perdit sa cause et celle des Italiens. C'était le temps où le ballet de Ben- serade jetait ses derniers feux scintillants (5), et où Molière re-

��(1) En 3/2.

(2) Lully composa les airs do ballet qui sont pleins de verve et reposent du pompeux sommeil de la pièce.

(3) L'Ercole per la maesta di Luigi XIIII, re di Francia, nelle sue nozze in Parigi, l'anno MDCLXII di Franc" Cavalli. » La partition manuscrite est à la Bibl. S. Marco de Venise. Cavalli en personne dut en diriger l'exé- cution à Paris. La partition porte la marque d'indications aux chanteurs et à l'orchestre , écrites en français, sans doute parce qu'il n'était pas très fa- milier avec la langue, et craignait de ne plus trouver les mots, le moment venu. C'est ainsi qu'on lit plusieurs fois : « tout doucement », et sur la sin- fonia, avant le second acte : « Un otre fois, Messieurs ! »

(4) Cette rythmique de l'opéra français est un des caractères qui frappent le plus les historiens étrangers. Il est certain que, dépouillée du prestige de la scène, elle donne à la musique uno monotonie pompeuse un peu froide. L'usage des danses fait alterner dans les mélodies, les mesures à 4 et 3/4, avec une régularité dure et cahotante.

(5) 1GG2, Ballet d'Hercule amoureux; 16G3, Ballet des Arts; 1GG4, Ballet de l'Amour déguisé, etc.; 16G6, Ballet des Muses (où Lully attosto ses pro-

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