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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/266

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252 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

La victoire de l'opéra français fut rendue plus définitive l'année suivante par l'échec de l'opéra italien. En attendant qu'Amandi ni et Vigarini, appelés de Modène, eussent fini le théâtre du roi (1), on représenta au Louvre, le 22 novembre 1660 , le Serse de Ga- valli (2). Malgré le grand renom de l'auteur, et le luxe de la re- présentation, où le roi et la reine dansèrent, le succès fut médio- cre. L'esprit national se mit de la partie. Xerxès tomba. Il est bon cependant de ne pas faire la part trop belle aux détracteurs du goût français. Il y avait dans le Serse de Cavalli de quoi légitimer peut-être plus que l'indifférence. La pièce est fastidieuse ; et malgré quelques jolis airs, calmes, un peu mélancoliques et pré- cieux, la musique ne rachète pas l'insipide longueur de l'opéra. Cavalli n'y donne pas la mesure de ses forces. Il y est paresseux, ennuyé, ennuyeux. Il abuse du style récitatif, qui n'est plus chez lui qu'une interminable mélopée sans vérité d'accent. La forme de ses airs est assez belle, mais peu variée; presque tous sont

Le cœur qui chante et celuy qui soupire Peuvent s'accorder aysément.

Il semble que l'on puisse trouver dans ce curieux dialogue, la définition du génie de Lully, génie harmonieux et conciliant, où se fondent les qua- lités des deux races : l'émotion italienne, et le bon goût français.

(1) En 1661.

(2) Le Serse (poème de Minato) avait été joué au théâtre S. Giovanni e Paolo de Venise, dès 1654. — La Bibl. Nat. en possède un exemplaire ma- nuscrit (Vm, 782), sous ce titre : « Xerxès, opéra italien, orné d'entrées de ballet, représenté dans la grande gallcrie des peintures du Louvre devant le Roy après son mariage avec Marie Thérèse d'Autriche , infante d'Espagne, l'an 1660. Le seigneur Francesco Cavalli en a fait la musique, et les airs de ballet ont esté composez par Jean Baptiste de Lully, surintendant de la musique de la Chambre. Recueilli par le S r Fossard , ordinaire de la musi- que du Roy. L'an 1695. » (336 p., gr. form.)

« Noms des acteurs de l'opéra de Xerxès, chanté par la musique italienne entretenue par S. M. » :

« Xerxès, roy de Perse (le S r Bordigon). — Arsamene , frère de Xerxès (le S r Atto). — Ariodate , prince d'Abidos, favori de X. et général de ses armées (le S r Taella Vacca). — Romilde , fille d'Ariodate , amante d'Arsa- mene (M 1U Anna). — Adelante, sœur de Romilde, amoureuse d'Arsamene (le S r Melone). — Eûmes, capitaine des gardes de X. et son confident (le S r Zannetto). — Elvire, domestique d'Arsamene (le S r Chiarino). — Amas- tris, fille du roy de Suse, amoureuse de Xerxès, et travestie en homme (le S r Philip, frère du S r Atto), etc. »

Sept quatrains, en français et en italien, exposent l'argument du Xerxès, composé de trois intrigues mêlées : l'amour d'Arsamene et de Romilde , la jalousie de Xerxès et d'Adelante, l'amour d'Amastris et de Xerxès. M. Ge- vaert en a publié (Gloires de l'Italie) deux airs, l'un d'un beau caractère élé- giaque, l'autre dans le style de Carissimi.

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