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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/300

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286 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

leur sceau la musique entière. Ils n'ont pas seulement créé le drame lyrique; ils ont esquissé la multitude de ses formes. L'opéra français, la tragédie récitative avec ballets, est apportée à deux reprises de Florence par les Médicis et par Lully. L'opéra- concert de Venise et de Naples, où la musique, sans s'attacher au texte, cherche seulement à éveiller dans les sens une disposition favorable à l'action poétique, se développe de Scarlatti à Rossini. Le madrigal dramatique de Modène, Bologne et Mantoue, prend une largeur inattendue dans la symphonie dramatique moderne, soit qu'elle exprime de purs états d'âme comme Beethoven , soit qu'elle vise à représenter, comme Berlioz, des drames tout en- tiers. L'harmonieuse union de la polyphonie instrumentale (ou vocale), et de la déclamation monodique dans l'action théâtrale, essayée par Monteverde, Schtitz et Provenzale, après de glorieux progrès dans l'œuvre de Rameau , Gluck et Weber, s'est pleine- ment réalisée dans le drame de Wagner. L'opéra bouffe s'annonce à Florence et à Naples. L'oratorio est arrivé à sa perfection , dès Garissimi. Il n'est pas jusqu'à nos théâtres de pantomime musi- cale, et aux représentations .scéniques de poèmes lyriques ou d'épopées , où notre raffinement et notre affectation de simplicité n'aient pour devanciers le burratino Acciajuoli , ou les Madrigalî e Diabghi de Monteverde et Mazzocchi.

Ce ne sont pas seulement les genres, mais les hommes qui su- bissent l'influence du dix-septième siècle italien. Toute la musique du dix-huitième siècle, tous les génies allemands, sauf un seul : Beethoven, s'annoncent fortement dans l'art latin du « Secento. » On n'aimerait donc pas les Italiens, si on ne leur faisait un affec- tueux reproche de s'être abandonnés. Avec quel charme, nous tâcherons de le montrer plus tard. Le S. G. Battista de Stradella est un témoignage assez éloquent de ce qu'il restait en eux de sève débordante ; il manque par malheur l'austère direction de cette pensée sérieuse, qui fait la grandeur des primitifs de la mu- sique, ces maîtres laborieux de la première moitié du dix-sep- tième siècle, peut-être moins bien doués, du moins trop tôt venus.

L'Italie a sauvé les Italiens. Les négligences de l'esprit n'ont pu entamer profondément leur heureuse nature. Ils n'ont jamais perdu tout à fait leur aristocratie. La délicatesse fluette de Gal- dara, l'aimable facilité de Lotti , l'abondance un peu vide , mais brillante, de Marcello, font attendre sans impatience l'apparition, trop passagère, du charmant Pergolèse. Et, dépouillant l'humeur chagrine et les récriminations vaines, lorsqu'on se livre sans

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