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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/317

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L'OPÉRA EN ANGLETERRE. 303

L'Opéra tomba presque aussitôt. L'importation italienne et le snobisme des grands seigneurs eussent étouffé des talents moins vigoureux que Purcell ; il ne trouva même pas de disciples. L'Opéra était un plaisir fort coûteux, s'adressant à une faible mi- norité , peu artiste , qui s'en lassa promptement. 11 ne fut pins qu'une fête de convenance et de bonne compagnie, mais en- nuyeuse et vide de sens. Parfois la niaise trivialité cachée sous la contrainte du cant, prenait sa revanche à de grossières sottises , comme le Beggar's Opéra (1) de Gay, qui fut joué à Londres en 1727, soixante-trois fois de suite (au Lincoln's-Inn-Fields-Thea- ter) et fut souvent repris. Le sujet est anglais, mais d'une morale scabreuse. Le héros, Macheath, est une sorte de Robert Macaire, un chef de brigands, qui bafoue cyniquement toutes les idées de vertu et de morale. La musique n'est qu'une collection de mélo- dies populaires, de chansons triviales, d'airs de contredanse, qui coupent niaisement l'action comme des couplets de vaudeville (2). Ce spectacle de foire fit naître une foule dé compositions sembla- bles , dont aucune ne sort de la médiocrité (3). Elles témoignent de l'abaissement de l'esprit artistique en Angleterre, à une épo- que où Haendel (4), adoptant pour son compte les qualités de la race, et lçs transfusant dans son art, impose à l'aristocratie anglaise la domination de sa parole, plus que de son esprit.

(1) The Beggar's Opéra, as it is acted at the Theatre-Royal in Lincolns- Inn Fieds. written by Mr. Gay. — « Nos haec novissimus esse nihil. » Mart. — The Third Edition : with the Ouverture in Score, the Songs, and the Basses, the Ouverture and Basses compos'd by Dr. Pepusch. — Curiously Engrav'd on Copper Plates. London, Printed for John Watts, at the Printing-Office in Wild Court, near Lincoln's-Inn Fields, 1729. (3 actes, 60 pages de texte, 46 pages de musique. — La Bibl. Nat. de Paris en pos- sède un exemplaire, Vm 8 -234.)

(2) Ils ont été réunis par le D r Pepusch , qui écrivit une ouverture , seul morceau de musique de la pièce. On serait bien surpris d'y retrouver jus- qu'aux figures les plus tristement célèbres de nos quadrilles et do nos contredanses.

(3) C'est une réaction grossière, mais dont la faute revient peut-ôtro au mensonge de l'art étranger imposé à la nation. Addison avait en vain pro- testé : « Un musicien anglais peut chercher à copier de la récitation ita- lienne, l'agréable douceur et les chutes mourantes, comme dit Shakcspcaro, sans oublier qu'il doit s'accommoder à un auditoire anglais... Restez Anglais; que l'infusion soit aussi forte qu'il vous plaira, mais que l'Anglais on soit toujours la base et le capital. » (23* Disc, trad. franc, do 1718.)

(4) Haendel arrive à Londres on décembre 1710, et y donno Rinnldo le 24 février suivant (théâtre do Hay Markot). Bononcini y est installé on 1716; Porpora, vers 1730 (directeur de la musique du Lincoln's-Inn Fields), ot leurs rivalités occupent l'aristocratie anglaise et le rnondi-

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