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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/40

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26 LES ORIGINES DU THEATRE LYRIQUE MODERNE.

Gypriano di Rore fait un nouveau pas vers la vie, et brise par son chromatique , les tons religieux. Il crée de nouvelles formes, que notre goût moderne a peine à distinguer des anciennes, mais qui ont sur son époque l'influence la plus profonde (1). De lui se réclame encore, cinquante ans après, le créateur de l'opéra, Claudio Monteverde. C'est le divin Cipriano Rore qu'il invoque comme le fondateur de l'art nouveau (2), de la révolution mélo- dique et expressive, qui veut transformer la musique au contact de la vie et de la réalité. Comme il arrive souvent en art, il agit par son esprit, plus encore que par ses œuvres , sur la musique de son temps. Il lui ouvrit des mondes nouveaux, sans peut-être en avoir conscience. Plus tard, on lui prêta la claire intelligence de sa réforme, et on prétendit qu'à la fin do sa vie il avait exprimé

scion moi, que les autres parties de musique. Le dernier intermède fut la Mauresque, qui figurait la fable de Gorgone; elle fut assez bonne, mais pas dans cette perfection où je l'ai vue représenter dans le palais de V. S. Ainsi se termina la fête » (Lettre de Pauluzo, envoyé du duc de Ferrarc. Rome, 8 mars 1518). Les décors étaient de Raphaël,

C'est le type des pièces avec musique exécutées en Italie jusqu'à Yecchi, telles que L'Orfeo de Politien (1475), La Conversion de saint Paul (Rome, 1484-92, mus. Beverini ; voir la traduct. de Vilruve par Joannes Sulpitius Verulanus, dédie, au card. Raphaël Riario) , Céphale et l'Aurore (mus. Nie. de Corrcggio) de 1487, à Ferrarc ; les fêtes galantes, mascarades, hyménées, dont le plus fameux récit est celui de l'historiographe Tristano Chalco dans Arteaga (Rivoluzioni del Teatro musicale italiano. 1785, Venise) au sujet du mariage du duc Galeazzo Sforza avec Isabelle d'Aragon, à Milan, en 1488 (Léonard de Vinci prit part à ces fêtes). C'est une mascarade poético-gastronomique. Dans un seul passage, il est question avec précision de poésie chantée. Orphée « hymenaeum ad lyram citavit. »

(1) Son condisciple, Alfonso délia Viola, élève comme lui de Willaert, met en musique une Favola pastorale, représentée en 1560 à Ferrare. Mais ce n'est sans doute qu'une pièce galante à intermèdes musicaux (Crescimbeni, Commentarii intorno alla sua istoria délia volgar poesia. Rome, 1702).

(2) « La seconda pratica, » dit Monteverde, eut pour « primo rinovatore ne nostri caratteri il divino Cipriano Rore. » Monteverde entend par « seconda pratica » sa révolution musicale, qui tend à faire de la mélodie l'essentiel de la musique, qui « versa intorno alla perfettionc délia melodia. » Le sentiment humain y règne librement; l'expression poétique, « l'oratione, » y veut être « padrone del armonia e non serva » [Scherzi musicali a 3 voci. 1609, Venise. Lettre de J.-C. M.).

Cipriano Rore joue pour Monteverde un rôle à peu près analogue à celui de Beethoven pour Wagner. C'est le maître incontesté, sur la gloire duquel ils édifient tous deux leur révolution artistique, bien que souvent elle détruise ce qu'ils prétendent développer et défendre.

Cipriano Rore était élève d'Hadrian Willaert, et fut maître de chapelle après lui à Saint-Marc de Venise (vers 1565). Né à Malines en 1516, il mourut en 1565 (Manuscrits musicaux à Munich).

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