Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ciens de l’époque, écrit une charmante symphonie pittoresque et dramatique, qui annonce, et, sous certains rapports, devance l’opéra. C’est une suite de scènes villageoises en cinq parties (1). La première est gracieusement lyrique, avec une pointe d’ironie. C’est un récit du poète à quatre voix : « Au gentil mois de mai , me trouvai par fortune près d’une source claire, où des troupes de femmes aux poses variées, baignaient leur linge blanc, et tandis que sur l’herbe, retendaient au soleil, en de vives ripos- tes, disaient ainsi, riant. » — Aussitôt commence l’action et le joyeux bavardage. — Bruyants bonjours, propos grivois et récits d’amourettes (2) ; cancans sur le voisin et lestes médisances (3) , échange de doléances sur l’humeur insupportable des maîtres et sur la fatigue du service; chuchotements effrayés de songes et de visions (4), entrecoupés de rires, de baisers et de cris; le jour entier y passe. Puis brusquement la scène change , et voici une levée de battoirs (5), parce qu’une des laveuses subtilise adroite- ment à son amie quelque précieux chiffon; les coups pleuvent, les chignons se déroulent, de monstrueuses injures sortent des jolies lèvres ; on crie, on s’égratigne, on s’apaise, on s’embrasse, on chante ; le soleil tombe ; on se quitte avec des mots tendres , on se disperse avec des cris. Les oreilles tintent encore, quelques instants après que le gai tumulte a disparu. Ce sont de lestes et vives scènes , où les mots tourbillonnent comme une volée d’oiseaux. Un coup de vent emporte l’humeur mobile de ces ombres bavardes, et la musique tourne avec elles. — Le réalisme un peu libre des détails rappelle certaines scènes ultra-modernes, qui ne prétendaient guère à une si haute noblesse ; mais la grâce poétique et souriante sent une race plus digne du tendre poète de Mantoue,


grande popularité. Son premier livre de madrigaux à 6 voix eut jusqu’à neuf éditions.

(1) Il Cicalamento délie Donne al Bucato (Le Bavardage des femmes au Lavoir) di Alessandro Striggio, gentilhuomo mantovano, servitore dell’ Illustriss. et eccellentissimo Cosmo de Medici, duca di Firenze, 1584.

A 4, 5, 6, 7 voci : Parties de C. A. B. 5, 6, à la Bibl. S. Cecilia. Rome;

de T. 7, à la Bibl. Riccardi , Florence; et à Londres : British Muséum, de T., à Bruxelles : Bibl. royale, de 7, à Munich : Hofbibliothek; et à Venise : Bibl. Marciana.

(2) Deuxième partie.

(3) Troisième partie.

(4) Quatrième partie.

(5) Cinquième partie.