Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/60

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Vecchi ou Banchieri en deux groupes de trois, une est nécessairement commune aux deux interlocuteurs, c’est sans doute le musicien qui commande ici au poète, et fait passer l’unité musicale avant la vraisemblance dramatique. Mais la voix commune aux deux parties d’un dialogue, est toujours la moins caractéristique des trois, et son rôle principal est de dérouler le fil de la trame harmonique, sans arrêts ni lacunes.

Jamais les considérations musicales ne font tort à l’intérêt de la pièce. Il suffira de jeter un regard sur une ou deux scènes, pour voir l’effort de Vecchi à suivre dans sa musique le dialogue dramatique ou comique. Assurément, il y a encore bien des gaucheries. Surtout ce qui nous frappe dans la musique de ces vieux maîtres, c’est le caractère un peu vague qu’ils donnent aux passions. Le sourire est mal dégagé du rire; le chagrin, de la tristesse profonde. Le comique touche au bouffon; le tragique, au religieux. (Il n’est personne qui n’ait remarqué dans les morceaux dramatiques ou amoureux des siècles passés, l’analogie d’accent avec les morceaux d’église). Tout art commence par exprimer des sentiments généraux; ce n’est plus l’amour d’Isabelle ou de Silvia : c’est l’Amour. Les traits individuels ne paraîtront que plus tard. La musique dramatique est ainsi faite; d’autant que la langue musicale est toute neuve encore, et n’a que depuis peu conscience de ses richesses. Gomme les enfants, elle a longtemps vécu sur peu de mots, ne sentant point les nuances, se servant des mêmes expressions pour désigner des sentiments différents. Il faut être bien raffiné, bien exercé à lire en soi , pour démêler les nuances subtiles des sentiments qui s’y agitent obscurément. Notre siècle très psychologue devait passer maître en cet art; on ne pouvait attendre la même maîtrise, d’un âge plus passionné , et moins replié sur lui-même.

Il faut pourtant remarquer, à l’honneur de Vecchi et des madrigalistes dramatiques de la fin du seizième siècle , une recherche, encore maladroite, mais attentive, des caractères individuels, des traits particuliers, et de leur expression précise dans la langue musicale. Les Veilles de Sienne, et le Banquet musical, ne sont que de beaux cahiers d’études et d’esquisses , mais qui n’ont pas peu servi aux compositeurs dramatiques du siècle suivant.

Cette tendance s’annonce déjà dans un des premiers ouvrages de Vecchi, la Selva di varia ricreatione (1590) (1). Le titre, un peu

��(1) Selva di varia Ricreatione di Horatio Vecchi , — - nella quale si contengono varii soggetti, a 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 voci, — novamente corn-