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l'antiquité et le drame lyrique florentin. 71

tique et y habituant le goût public, qui accueillait avec en- thousiasme ses moindres œuvres. Dans toutes, il cherchait à traduire le sens des paroles en émotions musicales (1). Il ne s'y refusait pas l'agrément de certains passages, ports de voix, em- bellissements, qui ornent le chant sans en augmenter l'expres- sion, — ces lianes charmantes et dangereuses de la musique ita- lienne, qui l'ont quelquefois étouffée. Mais Gaccini en réglait l'emploi avec bon sens, faisant le procès à leur abus, et reven- diquant les droits de la vérité et de la simplicité (2). Il exige que le chanteur, comme le compositeur, s'appliquent avant tout à comprendre la poésie , à s'en bien pénétrer, et à l'exprimer avec goût et émotion ; la beauté du morceau , la qualité d'œuvre d'art vient après ; on est toujours beau quand on est expressif.

C'est une hardie révolution qu'annoncent de telles paroles. Elle peut renouveler l'art en le retrempant dans la nature; mais elle peut en revanche étouffer la musique, qu'elle subordonne à la poésie, et je voudrais savoir ce qu'en aurait pensé Mozart , qui sou- mettait si fièrement la poésie à la musique (3). Cependant Mozart

��(1) « Ho sempre procurata l'imitazione dei concetti délie parole, ricercando quelle corde più e meno affettuose secondo i sentimenti di esse, e che par- ticolarmente havessero grazia, etc. » (Nuove Musiche).

(2) « Les passages ne sont pas nécessaires à la bonne manière du chant, mais je crois plutôt à un certain chatouillement de l'oreille (« ma credo io più tosto per una certa titillatione a gli orecchi ») de ceux qui ne savent pas ce que c'est que chanter avec passion. Rien au monde n'est plus con- traire à l'émotion (« affetto »). Je ne m'en suis servi que dans les morceaux moins expressifs, et seulement sur les syllabes longues et dans les cadences finales. Dans tous les cas, quand on en use, ce doit être avec méthode et non pas au hasard ou d'après la pratique du contrepoint. Pour bien com- poser ou chanter dans ce style, il est beaucoup plus important de com- prendre l'idée et les paroles, de les sentir et de les exprimer avec goût, et émotion, que de savoir le contrepoint. (« Alla buona maniera di comporre e cantare in questo stile, serve molto più l'intelligenza del concetto, e délie parole, il gusto e l'imitazione di esso , cosi nelle corde affettuose, come nello csprimcrlo con affetto cantando, che non serve il contrappunto... ») On s'est fait une façon de chanter uniformément sentimentale. (« ... una ma- niera di cantare (verbi grazia) tutta affettuosa con una regola générale. ») Quelque parole, quelque sens que ce soit, la manière est devenue le fonde- ment de la passion La cause de ce défaut est que le musicien no sait pas bien ce qu'il veut chanter... (« La radice del quai difetto (se non m'inganno), è cagionata perche il musico non bene possiede prima qucllo, che egli vuol cantare. ») (Nuove Musiche.)

(3) « Dans un opéra, il faut absolument que la poésie soit la fille obéis- sante de la musique... Un opéra doit évidemment plaire d'autant plus quo le plan de la pièce sera bien composé , mais quo les paroles auront été

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