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72 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

lui-même a profité de la réforme, et c'est une exception dans son œuvre que le pur objet d'art , qui n'exprime pas un sentiment, une passion, un état d'âme (1). Les idées de Gaccini et de l'école florentine sont vraies et fortifiantes pour les génies; elles redou- blent leur force en leur donnant des règles, en les enserrant dans le respect de la vérité, et en les contraignant à la précision. Elles sont dangereuses et desséchantes pour la foule des musiciens, qui se sont réduits au rôle de souligneurs de rimes, et elles ont créé le genre, rarement sublime, toujours monotone, et souvent ennuyeux, de l'opéra du dix-septième siècle.

Les exemples que Gaccini joint aux préceptes dans ses Nuove Musiche de 1601, sont des plus instructifs. Ils forment un recueil, non seulement de précieux conseils pour l'art du chant, mais de modèles pour les nuances des passions. C'est, en style récitatif, la contrepartie des essais d'Orazio Vecchi en style madrigalesque, dans les Veilles de Sienne. On y trouve des exemples « d'esclarna- zione languida, » « d'esclamazione spiritosa, » « d'esclamazione viva, più viva, larga, rinforzata, » « di favella in armonia, » etc. On voit combien Gaccini, et tous les vieux maîtres d'Italie, étaient en rapport constant et direct avec la nature. Mais on pressent aussi le danger de ces beaux cahiers d'expressions , pour les élè- ves, — les maîtres de la génération suivante; ils y puisent la tentation de sentir et de parler, selon des formules toutes faites. Et déjà en 1601, nous apprenons de Gaccini, qu'il n'imprime ces mélodies, après s'y être longtemps refusé, que parce qu'on les emploie mal à propos et sans les bien connaître, qu'on les imite, qu'on les gâte, et qu'on perd le profit de la découverte.

Dans le même temps, Péri travaillait à restaurer le drame néo- grec, et, devançant Gaccini, en donnait le premier modèle. Iacopo Péri, élève de Gristofano Malvezzi (2), avait plus de science har-

��écrites uniquement pour la musique, 'et qu'on n'y aura pas introduit çà et là des mots ou même des strophes entières capables de gâter toute l'idée du compositeur, et cela pour l'amour d'une malheureuse rime qui, quelle qu'elle soit, mon Dieu! n'ajoute absolument rien au mérite d'une représen- tation théâtrale, et lui nuit plutôt!... » (Mozart, Lettre du 13 octobre 1781.)

(1) Voir les lettres de Mozart, passim, et en particulier celles des 8 no- vembre, 6 décembre 1777, 2G septembre 1781, qui se rapportent à VEnlève- ment au sérail.

(2) Voir chap. II.

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