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AMOUR

Par dessus tous les autres, sans comparaison, il aima

dit Vasari,

Tommaso dei Cavalieri, gentilhomme romain, jeune et passionné pour l’art ; il fit sur un carton son portrait, grandeur nature, — le seul portrait qu’il ait dessiné ; car il avait horreur de copier une personne vivante, à moins qu’elle ne fût d’une incomparable beauté.

Varchi ajoute :

Quand je vis à Rome messer Tommaso Cavalieri, il avait non seulement une incomparable beauté, mais tant de grâce de manières, un esprit si distingué et une si noble conduite, qu’il méritait bien d’être aimé, d’autant plus qu’on le connaissait davantage.[1]

Michel-Ange le rencontra à Rome, dans l’automne de 1532. La première lettre, par laquelle Cavalieri répondit aux déclarations enflammées de Michel-Ange, est pleine de dignité :

J’ai reçu une lettre de vous, qui m’a été d’autant plus chère qu’elle m’était inattendue ; je dis : inattendue, parce que je ne me juge pas digne qu’un homme tel que vous m’écrive. Quant à ce qu’on vous a dit à ma louange, et quant à ces travaux de moi, pour lesquels vous m’assurez avoir ressenti une sympathie non petite, je vous réponds qu’ils n’étaient pas de nature à donner occasion à un homme d’un génie comme le vôtre, et tel qu’il n’en existe pas, — je ne dis pas un pareil, mais un second sur terre, — d’écrire à un jeune homme qui débute à peine et qui est si ignorant. Je ne puis croire pourtant que vous mentiez. Je crois, oui, je suis certain que l’affection que vous me portez n’a d’autre cause que l’amour qu’un homme comme vous, qui est la personnification de l’art, doit nécessairement avoir pour ceux qui se consacrent

  1. Benedetto Varchi : Due lezzioni. 1549.
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