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Page:Rolland Vie de Michel-Ange.djvu/126

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la vie de Michel-Ange

princes qui viennent vous en prier, vous ayez consacré presque toute votre vie à une seule grande œuvre.

Michel-Ange décline modestement ces compliments, et exprime son aversion pour les bavards et les oisifs, — grands seigneurs ou papes, — qui se croient permis d’imposer leur société à un artiste, quand déjà il n’a pas assez de sa vie pour accomplir sa tâche.

Puis, l’entretien passe aux plus hauts sujets de l’art, que la marquise traite avec une gravité religieuse. Une œuvre d’art, pour elle, comme pour Michel-Ange, est un acte de foi.

— La bonne peinture, — dit Michel-Ange, — s’approche de Dieu et s’unit à lui… Elle n’est qu’une copie de ses perfections, une ombre de son pinceau, sa musique, sa mélodie… Aussi, ne suffit-il point que le peintre soit un grand et habile maître. Je pense bien plutôt que sa vie doit être pure et sainte, autant que possible, afin que le Saint-Esprit gouverne ses pensées…[1]

Ainsi le jour s’écoule, en ces conversations vraiment sacrées, d’une sérénité majestueuse, dans le cadre de l’église San-Silvestro, à moins que les amis ne préfèrent continuer l’entretien dans le jardin, que nous décrit François de Hollande, « près de la fontaine, à l’ombre des buissons de lauriers, assis sur un banc de pierre adossé à un mur tout tapissé de lierre », d’où ils dominaient Rome, se déroulant à leurs pieds.[2]

Ces beaux entretiens ne durèrent malheureusement

  1. 1re partie du Dialogue sur la peinture dans la ville de Rome.
  2. Ibid. Troisième partie. — Le jour de cette entretien, Octave Farnèse, neveu de Paul III, épousait Marguerite, veuve d’Alexandre de Médicis. À cette occasion, un cortège triomphal, — douze chars à l’antique, — défilait sur la place Navone, où la foule s’écrasait. Michel-Ange s’était réfugié avec ses amis dans la paix de San-Silvestro, au-dessus de la ville.
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