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FOI

son serviteur Antonio ne l’avait supplié de la lui donner. »[1]

Telle était l’indifférence que Michel-Ange, près de la mort, témoignait à ses œuvres.

Depuis la mort de Vittoria, nulle grande affection n’éclairait plus sa vie. L’amour était parti :

Fiamma d’amor nel cor non m’ è rimasa ;
Se ’l maggior caccia sempre il minor duolo,
Di penne l’ alm’ ho ben tarpat’ et rasa.[2]

La flamme d’amour n’est pas restée dans mon cœur. Le pire mal [la vieillesse] chasse toujours le moindre : j’ai rogné les ailes de l’âme.

Il avait perdu ses frères et ses meilleurs amis. Luigi del Riccio était mort en 1546, Sébastien del Piombo en 1547 ; son frère, Giovan Simone, en 1548. Il n’eut jamais grandes relations avec son dernier frère, Gismondo, qui mourut en 1555. Il avait reporté son besoin d’affection familiale et bourrue sur ses neveux orphelins, sur les enfants de Buonarroto, son frère le plus aimé. Ils étaient deux : une fille, Cecca (Francesca), et un garçon, Lionardo. Michel-Ange plaça Cecca dans un couvent ; il lui

  1. Tiberio Calcagni la racheta à Antonio, et demanda à Michel-Ange la permission de la réparer. Michel-Ange y consentit, Calcagni rajusta le groupe ; mais il mourut, et l’œuvre resta inachevée.
  2. Poésies, LXXXI (vers 1550).

    Cependant, quelques poésies, qui semblent dater de son extrême vieillesse, montrent que la flamme n’était pas aussi éteinte qu’il le croyait, et que « le vieux bois brûlé », comme il disait, reprenait feu parfois. — (Voir aux Annexes, XXII. — Poésies, CX et CXIX)

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