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la vie de Michel-Ange

constitua un trousseau, il payait sa pension, il allait la voir ; et, quand elle se maria,[1] il lui donna en dot un de ses biens.[2] — Il se chargea personnellement de l’éducation de Lionardo, qui avait neuf ans à la mort de son père. Une longue correspondance, qui rappelle souvent celle de Beethoven avec son neveu, témoigne du sérieux avec lequel il remplit sa mission paternelle.[3] Ce ne fut pas sans de fréquentes colères. Lionardo mettait souvent à l’épreuve la patience de son oncle ; et cette patience n’était pas grande. La mauvaise écriture du jeune garçon suffisait à jeter Michel-Ange hors des gonds. Il y voyait un manque d’égards envers lui :

Jamais je ne reçois une lettre de toi, que la fièvre ne me vienne avant que je puisse la lire. Je ne sais pas où tu as appris à écrire ! Peu d’amour !… Je crois que quand tu aurais à écrire au plus grand âne du monde, tu y mettrais plus de soin… J’ai jeté ta dernière lettre au feu, parce que je ne pouvais pas la lire : je ne peux donc pas y répondre. Je t’ai déjà dit et répété à satiété que, chaque fois que je reçois une lettre de toi, la fièvre me vient avant que je réussisse à la lire. Une fois pour toutes, ne m’écris plus à l’avenir. Si tu as quelque chose à me faire savoir, trouve quelqu’un qui sache écrire ; car j’ai besoin de ma tête pour autre chose que pour m’épuiser à déchiffrer tes grimoires.[4]

Défiant de nature, et rendu plus soupçonneux encore par ses déboires avec ses frères, il se faisait peu d’illu-

  1. Elle épousa, en 1538, Michele di Niccolò Guicciardini.
  2. Une propriété à Pozzolatico.
  3. Cette correspondance commence en 1540.
  4. stare a spasimare intorno alle tue lettere.
    (Lettres, 1536–1548)
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