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la vie de Michel-Ange

de 1544 et 1546, quand Michel-Ange avait été recueilli par son ami Riccio dans la maison des Strozzi, républicains et proscrits. Michel-Ange, convalescent, fit prier Robert Strozzi, réfugié à Lyon, de rappeler au roi de France ses promesses : il ajoutait que si François Ier venait rétablir la liberté à Florence, il s’engageait à lui élever à ses frais une statue équestre en bronze sur la place de la Seigneurie.[1] — En 1546, il donna à Strozzi, en reconnaissance de l’hospitalité reçue, les deux Captifs, dont Strozzi fit présent à François Ier.

Mais ce n’était plus là qu’un accès de la fièvre politique, — le dernier. Dans quelques passages de ses Dialogues avec Giannotti, en 1545, il exprime à peu près les pensées de Tolstoy sur l’inutilité de la lutte et la non-résistance au mal :

C’est une grande présomption d’oser tuer quelqu’un, parce qu’on ne peut pas savoir sûrement si de sa mort sortira quelque bien et si de sa vie quelque bien ne fût pas sorti. Aussi je ne peux supporter ces hommes, qui croient qu’il n’est pas possible de produire le bien si on ne commence par le mal, c’est-à-dire par le meurtre. Les temps changent, de nouveaux événements surviennent, les désirs se transforment, les hommes se lassent… Et, au bout du compte, il arrive toujours ce qu’on n’avait point prévu.

Le même Michel-Ange qui avait fait l’apologie du tyrannicide s’irritait à présent contre les révolutionnaires, qui s’imaginent changer le monde avec un acte. Il savait bien qu’il avait été de ceux-là ; et c’est lui-même qu’il condamnait amèrement. Comme Hamlet, il doutait de tout maintenant, de ses pensées, de ses haines,

  1. Lettre de Riccio à Ruberto di Filippo Strozzi. (21 juillet 1544)
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