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SOLITUDE

et de tout ce qu’il avait cru. Il tournait le dos à l’action.

« Ce brave homme, écrivait-il, qui répondait à quelqu’un : « Je ne suis pas un homme d’État, je suis un honnête homme et un homme de bon sens », — celui-là disait vrai. Si seulement mes travaux de Rome me donnaient aussi peu de soucis que les affaires des États ! »[1]

La vérité, c’est qu’il ne haïssait plus. Il ne pouvait plus haïr. Il était trop tard :

Ahime, lasso chi pur tropp’ aspetta,
Ch’ i’ gionga a suoi conforti tanto tardj !
Ancor, se ben riguardj.
Un generoso, alter’ e nobil core
Perdon’ et porta a chi l’offend’ amore.[2]

Malheur à moi, fatigué d’une trop longue attente, malheur à moi, qui parviens trop tard à ce que j’avais désiré ! Et maintenant, ne le sais-tu pas ? Un généreux, fier et noble cœur pardonne, et offre à qui l’offense, amour.

Il habitait au Macel de’ Gorvi, sur le forum de Trajan. Il avait là une maison, avec un petit jardin. Il l’occupait avec un valet,[3] une servante, et ses animaux familiers. Il n’avait pas la main heureuse, avec ses do-

  1. Lettre à Lionardo, son neveu (1547).
  2. Poésies, CIX, 64.

    Michel-Ange suppose ici un dialogue du poète avec un banni florentin. — Il est possible qu’il ait écrit cette poésie après l’assassinat d’Alexandre de Médicis par Lorenzino, en 1536. — Elle parut pour la première fois, en 1543, avec la musique de Giacomo Archadelt.

  3. Parmi ses domestiques, je note, à titre de curiosité, un Français, Richard, Riccardo franzese. (18 juin 1552. — Ricordi, page 606
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