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SOLITUDE

seul est élu du ciel, dont la mort suit de près la naissance.[1]

Son neveu, Lionardo, fêtant la naissance de son fils, Michel-Ange le blâma sévèrement :

Cette pompe me déplaît. Il n’est pas permis de rire, quand le monde entier pleure. C’est manquer de sens que de faire une telle fête pour quelqu’un qui vient de naître. Il faut réserver son allégresse pour le jour où meurt un homme qui a bien vécu.[2]

Et il le félicita, l’année suivante, d’avoir perdu un second fils en bas âge.

La Nature, que sa fièvre de passions et son génie intellectuel avait jusque-là négligée,[3] fut, dans ses dernières années, une consolatrice pour lui. En septembre 1556, fuyant Rome menacée par les troupes espagnoles du duc d’Albe, il passa par Spolète et il y resta cinq semaines, au milieu des bois de chênes et d’oliviers, se laissant pénétrer par la splendeur sereine

  1. Annexes, XXV. (Poésies, CIX, 34)
  2. Lettre à Vasari, datée : « Je ne sais quel jour d’avril 1554 ». (A di non so quanti d’aprile 1554.)
  3. Il avait toujours prêté assez peu d’attention à la nature, malgré les années qu’il passa hors des villes, à Carrare, ou à Seravezza. Le paysage tient une place intime dans son œuvre ; il se réduit à quelques indications abrégées, presque schématiques, dans les fresques de la Sixtine. En cela, Michel-Ange est à part de ses contemporains : de Raphaël, de Titien, de Pérugin, de Francia, de Léonard. Il méprisait les paysages des artistes flamands, alors fort à la mode : « des chiffons, disait-il, des masures, des champs très verts ombragés d’arbres, des rivières et des ponts, — ce qu’on appelle paysages, — et beaucoup de figures par ci, par là ». (Dialogues de François de Hollande)
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