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MICHEL-ANGE

Il a peur. Il a une honte mortelle de sa peur. Il se méprise. Il tombe malade de dégoût de lui-même. Il veut mourir. On croit qu’il va mourir.[1]

Mais il ne peut pas mourir. Il y a en lui une force enragée de vivre, qui renaît chaque jour, pour souffrir davantage. — S’il pouvait au moins s’arracher à l’action ! Mais cela lui est interdit. Il ne peut se passer d’agir. Il agit. Il faut qu’il agisse. — Il agit ? — Il est agi, il est emporté dans le cyclone de ses passions furieuses et contradictoires, comme un damné de Dante.

Qu’il dut souffrir !

Oilme, oilme, pur reiterando
Vo’l mio passato tempo e non ritruovo
In tucto un giorno che sic stato mio ![2]

Malheur à moi ! Malheur ! Dans tout mon passé, je ne trouve pas un seul jour, qui ait été à moi !

Il adressait à Dieu des appels désespérés :

…… O Dio, o Dio, Dio !
Chi piu di me potessi, che poss’ io ?[3]

Ô Dieu ! Ô Dieu ! Ô Dieu ! qui peut plus en moi, que moi-même ?

    l’avertit qu’on l’accuse à Florence d’avoir des relations avec les bannis, contre qui Cosme II vient de promulguer un édit très sévère)

    Il fait bien plus. Il renie l’hospitalité qu’il a reçue, malade, chez les Strozzi :

    « Quant au reproche qu’on me fait d’avoir été reçu et soigné, pendant ma maladie, dans la maison des Strozzi, je considère que je n’étais pas dans leur maison, mais dans la chambre de Luigi del Riccio, qui m’était très attaché. » (Luigi del Riccio était au service des Strozzi.) — Il y avait si peu de doute que Michel-Ange eût été l’hôte des Strozzi, et non de Riccio, que lui-même, deux ans auparavant, avait envoyé les Deux Esclaves (maintenant au Louvre), à Roberto Strozzi, pour le remercier de son hospitalité.

  1. En 1531, après la prise de Florence, après sa soumission à Clément VII, et ses avances à Valori.
  2. Poésies, XLIX. (Probablement vers 1532)
  3. Ibid., VI. (Entre 1504 et 1511)
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