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la vie de Michel-Ange

Il fut mis en nourrice chez la femme d’un tailleur de pierres de Settignano. Plus tard, en plaisantant, il attribuait à ce lait sa vocation de sculpteur. On l’envoya à l’école : il ne s’y occupa que de dessin. « Pour cela, il fut mal vu et souvent cruellement frappé par son père et les frères de son père, qui avaient de la haine pour la profession d’artiste, et à qui il semblait une honte d’avoir un artiste dans leur maison, »[1] Ainsi, il apprit à connaître tout enfant la brutalité de la vie et la solitude de l’esprit.

Son obstination l’emporta sur celle de son père. À treize ans, il entra, comme apprenti, dans l’atelier de Domenico Ghirlandajo, — le plus grand, le plus sain des peintres florentins. Ses premiers travaux eurent tant de succès, que le maître, dit-on, fut jaloux de l’élève.[2] Ils se séparèrent au bout d’un an.

Il avait pris le dégoût de la peinture. Il aspirait à un art plus héroïque. Il passa dans l’école de sculpture, que Laurent de Médicis entretenait, dans les jardins de Saint-Marc.[3] Le prince s’intéressa à lui : il le logea au palais, il l’admit à la table de ses fils ; l’enfant se trouva au cœur de la Renaissance italienne, au milieu des collections antiques, dans l’atmosphère poétique et érudite des grands Platoniciens : Marsile Ficin, Benivieni, Ange Politien. Il s’enivra de leur esprit ; à vivre dans le monde antique, il se fit une âme antique : il fut un sculp-

  1. Condivi.
  2. À vrai dire, on a peine à croire à cette jalousie d’un si puissant artiste. Je ne pense pas, en tout cas, qu’elle ait été la cause du départ précipité de Michel-Ange. Il conserva, jusque dans sa vieillesse, le respect de son premier maître.
  3. Cette école était dirigée par Bertoldo, élève de Donatello.
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