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LA FORCE

diere, qui avait peur de Pierre, ne l’osa point. Un des matins suivants, il revint trouver Michel-Ange et lui dit, plein d’effroi, que le mort lui était de nouveau apparu : il avait même costume ; et comme Cardiere, couché, le fixait en silence, le fantôme l’avait souffleté, pour le châtier de n’avoir pas obéi. Michel-Ange fit de violents reproches à Cardiere et l’obligea à se rendre à pied, sur-le-champ, à la villa des Médicis, Careggi, près de Florence. À moitié chemin, Cardiere rencontra Pierre : il l’arrêta et lui fit son récit. Pierre éclata de rire et le fit étriller par ses écuyers. Le chancelier du prince, Bibbiena, lui dit : « Tu es un fou. Qui crois-tu que Laurent aime le mieux, de son fils, ou de toi ? S’il avait eu à se montrer, c’eût été à lui et non à toi ! » Cardiere, houspillé et bafoué, revint à Florence ; il apprit à Michel-Ange l’insuccès de sa démarche, et il le convainquit si bien des malheurs qui allaient fondre sur Florence, que Michel-Ange, deux jours après, s’enfuit.[1]

Ce fut le premier accès de ces terreurs superstitieuses qui se reproduisirent plus d’une fois dans la suite de sa vie, et qui le terrassaient, quelque honte qu’il en eût.

Il fuit jusqu’à Venise.

À peine sorti de la fournaise de Florence, sa surexci-

  1. Condivi.

    La fuite de Michel-Ange eut lieu en octobre 1494. Un mois plus tard, Pierre de Médicis s’enfuit à son tour, devant le soulèvement du peuple ; et le gouvernement populaire s’installa à Florence, avec l’appui de Savonarole, qui prophétisait que Florence porterait la République dans le monde entier. Cette République reconnaissait pourtant un roi : Jésus-Christ.

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