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la vie de Michel-Ange

Duomo, lançait la foudre sur le pape, et suspendait sur l’Italie le glaive sanglant de Dieu. Florence tremblait. Les gens couraient dans les rues, pleurant et criant comme des fous. Les plus riches citoyens : Ruccellai, Salviati, Albizzi, Strozzi, demandaient à entrer dans les ordres. Les savants, les philosophes, Pic de la Mirandole, Politien, eux-mêmes abdiquaient leur raison.[1] Le frère aîné de Michel-Ange, Lionardo, se fit Dominicain.[2]

Michel-Ange n’échappa point à la contagion de l’épouvante. Quand approcha celui qu’avait annoncé le prophète : le nouveau Cyrus, l’épée de Dieu, le petit monstre difforme : — Charles VIII, roi de France, — il fut pris de panique. Un songe l’affola.

Un de ses amis, Cardiere, poète et musicien, vit l’ombre de Laurent de Médicis[3] lui apparaître, une nuit, vêtu de haillons, en deuil, à demi nu ; le mort lui ordonna de prévenir son fils Pierre, qu’il allait être chassé et qu’il ne retournerait plus jamais dans sa patrie. Michel-Ange, à qui Cardiere confia sa vision, l’engagea à tout raconter au prince ; mais Car-

  1. Ils moururent peu après, en 1494 : Politien, demandant à être enseveli comme dominicain, à l’église Saint-Marc, — l’église de Savonarole ; — Pic de la Mirandole, revêtu, pour mourir, de l’habit dominicain.
  2. En 1491.
  3. Laurent de Médicis était mort le 8 avril 1492 ; son fils Pierre lui avait succédé. Michel-Ange quitta le palais ; il rentra chez son père, et resta quelque temps sans emploi. Puis Pierre le reprit à son service, le chargeant de lui acheter des camées et des intailles. Il sculpta alors l’Hercule colossal de marbre, qui fut d’abord au palais Strozzi, puis acheté en 1529 par François Ier, et placé à Fontainebleau, d’où il disparut au dix-septième siècle. De ce temps est aussi le Crucifix de bois du couvent San Spirito, pour lequel Michel-Ange étudia l’anatomie sur des cadavres, avec un tel acharnement, qu’il en tomba malade (1494).
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