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la vie de Michel-Ange

dessus de la porte. Dans la nuit, des gens du peuple jetèrent des pierres au David, afin de le briser. On dut faire bonne garde, La statue avançait lentement, liée droite et suspendue, de façon à balancer librement sans heurter le sol. Il fallut quatre jours pour l’amener du Duomo au Palais Vieux. Le 18, à midi, elle arriva à la place marquée. On continua de faire la garde autour d’elle, la nuit. Malgré toutes les précautions, un soir, elle fut lapidée.[1]

Tel était ce peuple florentin, qu’on donne quelquefois comme modèle au nôtre.[2]

En 1504, la Seigneurie de Florence mit aux prises Michel-Ange avec Léonard de Vinci.

Les deux hommes ne s’aimaient point. Leur solitude commune eût dû les rapprocher. Mais s’ils se sentaient éloignés du reste des hommes, ils l’étaient plus encore l’un de l’autre. Le plus isolé des deux était Léonard. Il avait cinquante-deux ans, — vingt ans de plus que Michel-Ange. — Depuis l’âge de trente ans, il avait quitté Florence, dont l’âpreté de passions était intolérable à sa nature délicate, un peu timide, et à son intelligence sereine et sceptique, ouverte à tout, comprenant tout. Ce grand dilettante, cet homme absolument libre

  1. Relation contemporaine, et Histoires Florentines de Pietro di Marco Parenti.
  2. Ajoutons que la chaste nudité du David choquait la pudeur de Florence. L’Arétin, reprochant à Michel-Ange l’indécence de son Jugement Dernier, lui écrivit en 1545 : « Imitez la modestie des Florentins, qui cachent sous des feuilles d’or les parties honteuses de leur beau Colosse. »
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