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la vie de Michel-Ange

familièrement que s’il avait été son frère ». Pour venir plus commodément, il fit jeter du corridor du Vatican à la maison de Michel-Ange un pont-levis qui lui assurait un passage secret.

Mais cette faveur ne dura guère. Le caractère de Jules II n’était pas moins trépidant que celui de Michel-Ange. Il se passionnait tour à tour pour les projets les plus différents. Un autre dessein lui parut plus propre à éterniser sa gloire : il voulut réédifier Saint-Pierre. Il y était poussé par les ennemis de Michel-Ange. Ils étaient nombreux et puissants. Ils avaient à leur tête un homme d’un génie égal à celui de Michel-Ange, et d’une volonté plus forte : Bramante d’Urbin, l’architecte du pape et l’ami de Raphaël. Il ne pouvait y avoir de sympathie entre la raison souveraine des deux grands Ombriens et le génie sauvage du Florentin. Mais s’ils se décidèrent à le combattre,[1] ce fut sans doute qu’il les y avait provoqués. Michel-Ange critiquait imprudemment Bramante, et l’accusait, à tort ou à raison, de malversations dans ses travaux.[2] Bramante décida aussitôt de le perdre.

  1. Du moins, Bramante. Raphaël était trop l’ami et l’obligé de Bramante pour ne pas faire cause commune avec lui ; mais on n’a pas de preuves qu’il ait agi personnellement contre Michel-Ange. Cependant celui-ci l’accuse en termes formels : « Toutes les difficultés survenues entre le pape Jules et moi sont le fait de la jalousie de Bramante et de Raphaël : ils cherchaient à me perdre ; et vraiment Raphaël en avait bien sujet ; car ce qu’il savait de l’art, c’était de moi qu’il le tenait. » (Lettre d’octobre 1542 à un personnage inconnu. — Lettres, édition Milanesi, pages 489–494)
  2. Condivi, que son aveugle amitié pour Michel-Ange rend un peu suspect, dit : « Bramante était poussé à nuire à Michel-Ange par sa jalousie d’abord, et aussi par la crainte qu’il avait du jugement de Michel-Ange, qui découvrait ses fautes. Bramante, comme chacun sait, était adonné au plaisir et grand dissipateur. Le traitement qu’il recevait du pape, si élevé qu’il fût, ne lui suffi-
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